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Chute du dollar : ce que les marchés ne vous disent pas

Chute du dollar : ce que les marchés ne vous disent pas

Le dollar vient de toucher son plus bas niveau depuis trois ans. Étrange timing : d'habitude, quand le monde vacille, tout le monde se rue sur le billet vert. Pas cette fois.

Les dernières menaces tarifaires de Trump ont fait l'effet d'une bombe à retardement. Au lieu de rassurer, elles ont semé le doute. Le roi Dollar, cette forteresse supposée indestructible, montre ses premières fissures au moment où le monde en aurait le plus besoin.

Accident de parcours ou signal d'alarme ? Creusons.

Décryptage macro : un dollar fragilisé par plusieurs facteurs

Depuis janvier, le dollar a perdu 7,5% à 10% face aux autres devises. Pour une monnaie majeure, c'est du jamais vu depuis longtemps. Trois forces majeures expliquent cette déroute.

1. L'effet Trump joue contre le dollar

Ironie de l'histoire : Trump, qui promettait de "rendre sa grandeur à l'Amérique", fragilise sa monnaie. Ses annonces à répétition – tarifs douaniers, provocations géopolitiques – créent un climat d'incertitude toxique.

Les capitaux internationaux ne savent plus sur quel pied danser. Résultat : ils fuient cette imprévisibilité. Moody's a même dégradé la note de crédit américaine. Le message est clair : les États-Unis ne sont plus cette terre promise financière qu'on croyait.

Pire encore : quand les marchés ont tremblé récemment, les investisseurs ont couru vers le franc suisse, le yen, l'or. Pas vers le dollar. Le statut de valeur refuge vient de prendre un sacré coup.

2. La Fed change de cap

L'inflation américaine reflue. La Réserve fédérale peut donc baisser ses taux plus vite que prévu. Deux baisses sont dans les tuyaux cette année.

Pendant ce temps, l'Europe sort du tunnel. La BCE approche de la fin de son cycle de hausse. L'euro a bondi à 1,15 dollar, son plus haut depuis 2021. L'avantage de taux qui portait le dollar depuis 2022 s'évapore.

3. Fin de l'exception américaine

Voilà le point crucial. Pendant des années, les États-Unis étaient "le seul jeu en ville". Croissance solide, innovation technologique, marché de capitaux inégalé. Cette supériorité attirait les capitaux du monde entier.

Aujourd'hui, ce narratif s'effrite. Fait rarissime : actions, obligations et dollar américains chutent ensemble. Les grands gérants internationaux rééquilibrent leurs portefeuilles. Ils réduisent leur exposition au marché américain.

Cette rotation pourrait durer. Sans pour autant remettre en cause le rôle central du dollar. Nuance importante.

Perspective historique : de l'air de déjà-vu

Les chutes majeures du dollar sont rares. En 50 ans, on n'en compte que deux vraiment marquantes :

  • 1985-1987 : chute de 50% après l'accord du Plaza
  • 2002-2008 : baisse de 40% avant la crise financière

Chaque fois, ces décrochages ont accompagné des fins de cycle. Le plongeon de 1985-87 a corrigé un dollar surévalué et réduit le déficit commercial américain. Celui de 2002-2008 n'a pas empêché les déséquilibres de s'aggraver jusqu'à la Grande Récession.

La leçon ? Le dollar finit toujours par refléter les fondamentaux économiques. Parfois au prix de secousses brutales. La phase actuelle ressemble plus à un ajustement qu'à un effondrement.

Ce que ça change pour l'investisseur

• Le dollar n'est plus un bouclier infaillible

Fini le temps où on pouvait fermer les yeux et tout miser sur les actifs américains. Un portefeuille surpondéré en dollars peut subir de lourdes pertes quand la mécanique se grippe. La diversification géographique et monétaire redevient un impératif, pas une option.

• La diversification paie enfin

Pour un investisseur américain, être exposé aux marchés étrangers a rapporté gros ces derniers mois. Les actions hors États-Unis ont bénéficié d'un effet de change favorable. À l'inverse, un Européen trop concentré sur les États-Unis a vu l'euro rogner ses gains. Mieux vaut désormais couvrir partiellement ses positions en dollars.

• Gagnants et perdants sectoriels

Un dollar faible avantage les entreprises américaines qui exportent : leurs produits deviennent moins chers à l'étranger. À l'inverse, celles qui importent leurs composants voient leurs coûts grimper.

À l'échelle mondiale, les pays émergents endettés en dollars respirent mieux. Leur fardeau de dette s'allège. Mais les importateurs de matières premières (souvent libellées en dollars) subissent la hausse des prix.

• Repérer les signaux faibles

C'est souvent dans ces effets collatéraux discrets que se cachent les vraies opportunités. Ou les vrais risques. L'investisseur avisé doit évaluer au cas par cas l'impact du change sur ses positions.

Conclusion

Cette chute du dollar sonne comme un avertissement, pas comme un cataclysme. Le roi vacille sans abdiquer. Aucune autre devise ne peut aujourd'hui rivaliser avec son statut de monnaie de réserve mondiale.

Mais même un roi peut trembler. Ce reset rappelle qu'aucun actif n'est infaillible quand la confiance se fissure.

Ce n'est pas ce qu'on regarde qui compte, c'est ce qu'on oublie de regarder. Pendant que beaucoup avaient les yeux rivés sur l'inflation ou le rally boursier, le marché des changes envoyait un signal dans l'angle mort.

L'investisseur lucide ne cédera ni à la panique ni à l'euphorie aveugle. Comprendre ≠ prédire. Mais comprendre suffit souvent à éviter les pires décisions.

« À court terme, les marchés dansent. À long terme, ils obéissent à la macro. »